Le Gros Peuplier

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CONTE DE NOËL

samedi 24 juin 2006, par Hubert

CONTE DE NOËL


Depuis plusieurs jours dans son pays ravagé le petit
Mamadou ère sans but ne sachant où aller. Il ne sait d’ailleurs
pas s’orienter. Se diriger dans la savane ou le désert cela s’apprend avec
les parents et Mamadou n’a plus de parents, la guerre les a tués. La modeste
construction de pisé qui les abritait n’est plus qu’une ruine, comme les
autres habitations du village. Les maigres récoltes ont été
écrasées par les chars, le marigot est souillé.
Mamadou a peur, Mamadou a faim. Pour subsister, rôdant tel une hyène
affamée, il n’a trouvé que du mil mélangé de poussière,
disputé aux insectes… Rien pour le protéger de la fournaise
du jour. Devra-t-il cette nuit encore se coucher sur ces débris et supporter
le froid de la nuit africaine ?
Alors, désemparé, Mamadou marche pour user le temps, pour faire
quelque chose. Il est déjà loin de son village anéanti quand
il aperçoit une grande tente avec un dessin rouge ; il ignore que la Croix
Suisse est le symbole d’une aide internationale. Un instinct animal le fait se
diriger vers cet abri. Enfant ignorant qui ne comprend pas les querelles des grands
 ; il ne se demande pas s’il y a du danger pour lui ni si se sont des ennemis de
sa tribu. Mamadou est fatigué, Mamadou a le ventre creux, il voudrait ne
plus être seul.
Arrivé à la maison de toile, craintivement, avec une souplesse de
félin, il se glisse à l’intérieur et regarde effrayé
des gens de sa race allongés, couverts de pansements. Des hommes blancs
s’affairent autour des lits de camp. L’un d’eux s’approche de lui : " - Tu
es blessé ? Tu es malade ? " " -Non " répond l’enfant.
- " Alors ne reste pas ici, va-t-en ". Des larmes luisent sur la sombre
frimousse. Une jeune femme qui assiste à la scène lance un regard
désapprobateur à son collègue. " Vous n’allez pas renvoyer
cet enfant, il vient peut-être pour chercher du secours pour ses parents
 ? " La jolie dame l’attire vers elle, essuie ses petites joues noires et
à travers les sanglots enfantins, il raconte sa triste histoire.
Marylène, infirmière de formation s’est consacrée aux œuvres
humanitaires depuis son veuvage. De plus elle sait qu’elle ne pourra jamais combler
son désir de maternité. Sa détresse personnelle comprend
si bien celle de cet orphelin qui se serre contre elle. C’est le 25 décembre.
Dans ce pays musulman dévasté par un conflit l’urgence et les souffrances
font loi pour ces français qui ne fêterons pas Noël. Ce petit
Jésus noir, elle l’aime déjà, dans son cœur il est un
peu sien, c’est le ciel qui le lui envoie. Elle plaide pour lui auprès
de ses supérieurs, mais ils ont vu tant de malheurs… Ils savent que
malgré leur dévouement, ils ne pourront cicatriser toutes les plaies.
Leurs réserves s’épuisent. " - On le nourrira aujourd’hui,
c’est tout ce que l’on peut faire. "
Marylène se fait convaincante, elle partagera ses rations avec lui et la
date de la Nativité ajoutant à son éloquence, l’enfant restera
sous leur protection. Elle oublie sa fatigue, sa tâche harassante l’inconfort
quotidien. Sa vie déjà dévouée aux autres prendra
un sens plus précis avec cette petite tête crépue. Malgrè
les difficultés Marylène va entreprendre les démarches pour
ramener l’enfant en France et plus tard peut-être l’adopter.

Vers le ciel, s’envole l’ange gardien de Mamadou, joyeux d’avoir rempli sa mission.